« Le pire ennemi d’un média, c’est l’immédiat » , voilà ce que déclarait Raphael Enthoven, à l’antenne d’Europe 1 en 2015, à propos de la mort d’une journaliste diffusée en direct sur Facebook.
17 minutes… C’est le temps qu’a duré la vidéo de l’attentat de Christchurch (Nouvelle Zélande) transmise en direct sur Facebook en mars 2019. Mais comment est-ce possible ?
Ce n’est pas la première fois que cela arrive et bien que les contenus soient ensuite soigneusement supprimés, la diffusion d’images choquantes en direct pose des questions tant éthiques que techniques.
Néanmoins, le problème que soulève cet événement n’est pas uniquement lié à la violence des images et aux horreurs que certaines personnes sont prêtes à diffuser. Non, le vrai problème est de savoir comment gérer l’inattendu de ces directs ?
En effet, lorsque l’on regarde le journal télévisé, par exemple, les reportages diffusés sont soigneusement choisis et bien que l’émission soit diffusée en direct, le contenu est déterminé à l’avance. Il en va de même pour des émissions de divertissement où rien n’est laissé au hasard et où toute la programmation est minutieusement orchestrée.
L’imprévu du direct était donc caractérisé, jusqu’ici, par des problèmes de retransmission de sons, des chutes sur scènes ou encore des fous rires incontrôlables repris dans de nombreux bêtisiers pour leur aspect cocasse. Mais, avec l’intégration du direct sur les réseaux sociaux, est apparu un risque nouveau : les contenus inappropriées publiés avec une facilité déconcertante…
Alors comment aborder ce risque avec des enfants et adolescents qui utilisent des réseaux sociaux où il est possible de visionner des images en direct mais également d’en produire :
- Que faire si je tombe sur des images choquantes ou inappropriées ?
Si l’on est confronté à des images choquantes ou inappropriées on est en droit d’arrêter de les visionner. C’est l’un des premiers réflexes que l’on peut avoir. Signaler ensuite ces contenus au site concerné, cela peut accélérer la procédure de retrait des images. Les contenus inappropriés sont souvent illégaux, il ne fait donc pas les partager plus loin ou les stocker dans la mémoire de ses appareils, sous peine de se rendre coupable aux yeux de la loi.
Pour terminer, il ne faut pas sous-estimer les dégâts que cela peut faire. Au même titre que lorsque l’on assiste à un événement traumatisant, en parler est important et l’aide de professionnels peut parfois s’avérer nécessaire pour surmonter le traumatisme généré.
- Que faire lorsque je décide de filmer et de transmettre des images en direct ?
Premièrement, il faut se poser la question du message que l’on souhaite faire passer. Si le but est de partager l’ambiance festive et chaleureuse des gradins d’une patinoire qui s’apprête à recevoir deux équipes de hockey sur glace, les risques pour que de l’inattendu vienne perturber la vidéo sont moindres. Par contre, si l’on décide de filmer et de diffuser des images capturées dans une piscine, on peut se poser la question de savoir si les gens qui apparaitront sur les images, en maillot de bain, ne seraient pas gênés par cette diffusion. Plus grave encore, si l’on diffuse, par exemple, une altercation entre deux personnes et que la dispute tourne mal et dégénère en bagarre, on se rend coupable de diffusion illégale de contenus violents. Il convient donc de se demander :
– ce que je filme pourrait-il mettre mal à l’aise quelqu’un ou moi-même ?
– ce que je filme contient-il des images illégales ? (nudité, violence, propos racistes, homophobes, etc.)
– ce que je film et diffuse peut-il être partagé avec le monde entier ? La vidéo pourrait être reprise par quelqu’un et diffusée plus loin sans mon accord…
- Quel est le risque lorsque je discute avec quelqu’un en direct par vidéo interposée ?
Le risque est de céder plus facilement à des pressions, surtout pour des adolescents. En effet, le temps de reflexion est quasiment inexistant lorsque l’on interagit en direct et se protéger de la pression du groupe pourrait, alors, s’avérer plus difficile.
Il est donc important d’aborder ce sujet en famille et d’insister sur le fait que l’on peut perdre le contrôle plus vite lorsque les interactions sont en direct.
Sources :
Vidéo Le Quotidien avec Yann Barthès : Tuerie sur Facebook . Mars 2019
Enthoven, la morale de l’info diffusé le 27.08.15 sur Europe 1